mardi 28 avril 2015

Taxi Téhéran, leçon de liberté

Une seconde de silence SVP, ce blog reprend vie.
Plus sérieusement, laissez-moi vous dire que je suis ravie que ce soit la première critique postée sur Bobbie in the Sky Génération 2.0 parce que j'ai vu le film le lendemain de la dernière épreuve du concours, et qu'il a en partie motivé mes choix d'avenir proche (à savoir que je veux étudier le cinoche, non pas retenter Normale Sup', de toute façon vu le fiasco que ça été cette année, je ne pense pas que ce soit l'idée du siècle de khûber).
Mais passons aux choses sérieuses...



Alors Taxi Téhéran c'est le nouveau long-métrage de cet infatigable arpenteur du cinéma iranien qu'est Jafar Panahi. Ours d'or à la Berlinale (et oui c'est pas rien quand même), le réalisateur s'improvise chauffeur de taxi et filme le Téhéran d'aujourd'hui de son siège de conducteur. Ce qu'il faut savoir c'est que seul le premier film de Panahi a été diffusé en Iran puisque le gouvernement islamique voit plutôt d'un mauvais oeil ce réalisateur aux idées progressistes. En 2009, après un projet avorté de docu-fiction sur les manifestations de colère de la population contre la réelection du président M. Ahmadinejad, Jafar Panahi a été arrêté par les autorités iraniennes, accusé de complot contre le régime. Sous la pression des organismes occidentaux, il a finalement été relâché mais est depuis interdit de quitter le territoire iranien et de réaliser des films. Mais Panahi est rusé et a depuis sorti trois long-métrages qui parviennent clandestinement dans les festivals internationaux (en 2011 Ceci n'est pas un film, en 2013 Pardé et en 2015 Taxi Téhéran). 

J'ai découvert Jafar Panahi en 2007 avec le formidable Hors Jeu, chronique débordante de vitalité qui suit des adolescentes iraniennes passionnées de football qui cherchent à rentrer dans un stade. Pour être honnête, je n'avais pas vraiment fait le rapprochement lorsque j'ai vu Taxi Téhéran et j'ai revu Hors Jeu avant de faire cet article (d'ailleurs le film pourra faire l'objet d'un autre article parce que je le trouve très intéressant à différents niveaux) ce qui m'a permis de voir toute la richesse de ce cinéaste que je vous engage très fortement à découvrir. 



Mais parlons de Taxi Téhéran, puisque c'est le sujet de ce premier article. Le plan qui ouvre le film est audacieux : la caméra posée sur le tableau de bord filme le Téhéran vivant, les scooters, les piétons, la vie à l'extérieur. Tout au long du film vont se succéder à l'intérieur des personnages haut en couleurs, filmés avec tendresse par ces petites caméras dissimulées autour de ce chauffeur de taxi pas très ordinaire. Vrais personnages? Faux acteurs? Le film ne nous le dit pas et c'est tant mieux car il est entouré d'un mystère indéchiffrable dont la clé se trouve dans le regard sombre de son réalisateur. On va parler politique, actualité, cinéma mais surtout liberté. Bénéficiant d'un scénario à l'écriture espiègle et particulièrement intelligente, ce long-métrage d'1 heure 22 minutes passe vite, trop vite; si bien qu'à la fin on en redemanderait encore. C'est que ce récit, en apparence plutôt banal, et pollinisé par une sorte de méta-discours tout à fait intéressant sur le cinéma. Pourquoi faire un film? Qu'est-ce qu'un film "diffusable"? Cette réflexion est menée d'une main de maître par la jeune nièce du réalisateur, aussi bluffante qu'attachante qui incarne bien cette soif inépuisable de liberté. En creux, c'est la pertinence de l'interdiction de filmer de Panahi qui est interrogée : "pourquoi est-ce que je ne peux pas diffuser un film où un garçon vole de l'argent puisque c'est ce qui s'est passé?", demande-t-elle en creux. Un débat ouvert entre l'image que les autorités renvoient de l'Iran, et l'Iran d'aujourd'hui. Mais il ne faut pas s'y perdre, Taxi Téhéran n'a rien du grand film politique aux revendications enflammées. Son réalisateur ne quitte jamais le siège de l'observateur qui ne juge pas. Le sourire imprimé sur les lèvres, il se promène dans le quotidien de Téhéran et s'amuse de cette ville cosmopolite qui regorge de surprises. Et c'est sans doute là que se situe la plus belle leçon que le cinéaste a à nous donner. A peu près à moitié de parcours, le faux chauffeur quitte le véhicule et lance des regards inquiets. Quelques minutes plus tard, il révèle à l'avocate Nasrin Sotoudeh, "la dame aux fleurs", avoir entendu la voix de l'homme qui le "cuisinait" en prison, le sourire toujours haut et les yeux pleins d'amertume, seule arme de résistance contre ceux qui voudraient le faire taire. Le sourire et le cinéma comme nouveau langage, Panahi réalise donc un film majeur qu'il faut avoir vu pour goûter à la liberté. 



Pour conclure, Taxi Téhéran a-t-il volé son ours d'or? Si vous lisez l'article de Studio Ciné Live de ce mois-ci vous verrez que le film n'est pas à l'abri de certaines polémiques qui voudraient que le film ait été récompensé dans un geste diplomatique, faisant de Panahi le martyr de la culture iranienne. N'ayant pas vu tous les films de la sélection, je ne peux pas vraiment m'exprimer sur le sujet; mais ce qui est sûr c'est que Taxi Téhéran est vraiment un film important. Je rejoins l'avis des journalistes de Studio pour dire que c'est du vrai cinéma. Vrai film, avec un vrai montage (le cinéaste explique dans sa note d'intention que le montage a été effectué clandestinement aux quatre coins de la ville), un vrai scénario, de vrais effets techniques. L'image est belle, le cadrage parfois maladroit est plein de charme (Jafar Panahi a dû s'improviser technicien puisqu'il devait gérer le cadre, le son, les acteurs et son propre rôle), le tout est d'une finesse qui peut rendre envieux la plupart de nos réalisateurs occidentaux. Une leçon de liberté qui élève Panahi au panthéon des plus grands.


jeudi 23 avril 2015

L'ENS c'est FINI

C'est décidé, ce sera le dernier article du blog où je parle de prépa. Je viens de passer l'ENS, j'a fêté ça comme il se doit et maintenant j'ai très envie de passer à autre chose.

Si j'ai vraiment beaucoup aimé ces deux ans de prépa, autant pour les cours que pour les gens que j'y ai rencontré, je reconnais que cette semaine et un jour de concours ont eu beaucoup de mal à passer. Les épreuves sont passées avec difficultés. J'ai un peu mal vécu le fait de faire le deuil de ces deux années en composant, tout ce que tu as révisé, appris, tout ce dont tu as terriblement envie de parler et que tu ne peux même pas évoquer parce que le sujet ne s'y prête pas, ça m'a été très pénible.

Très rapidement :
Géo : la catastrophe inter-galactique mais je m'y attendais un peu même si je pense que ça va m'être fatal. Le programme ne me plaisait pas, les cours m'ont gonflé et ça ne s'est pas arrangé quand j'ai passé l'épreuve. Voilà, rien à dire de plus si ce n'est que j'ai appris en sortant de la bouche d'une prof tout un tas de trucs que j'aurais préféré savoir AVANT de passer le concours. MAIS C'EST PAS GRAVE.
Histoire : sujet plutôt restreint (la presse quotidienne), c'est pas comme si le programme était immensément riche, qu'on pouvait aborder des points ultra enrichissants comme tout ce qui concerne l'art etc. Bon, tant pis. C'est fait.
Lettres : là ça devait être mon épreuve, j'ai bossé dessus comme une malade toute l'année. Je crois que j'étais un peu stressée et quand j'ai vu qu'on tombait sur l'autobiographie (alors que la dernière partie de l'année était consacrée au lecteur) je me suis rendue compte que je maîtrisais un peu moins cette partie, ce qui fait que j'ai essayé de compenser des lacunes et par la même occasion j'ai négligé les autres aspects du sujet. Le lecteur et la valeur ont seulement été évoqués alors qu'à la réflexion, je pense que ça devait constituer des pôles importants de la réflexion. Tant pis.
Philo : la grosse blague de l'ENS. J'avoue que j'ai souris. Je ne peux rien dire sur cette épreuve mis à part que j'ai eu l'impression de faire du trapèze sans filet. Je ne suis pas sûre d'avoir mené une réflexion philosophique dessus. Comble de tout ma prof qui en sortant nous annonce que c'est un sujet "plutôt classique". OUI BIEN SUR.
Anglais : j'ai frôlé la catastrophe au moment où j'ai commencé à rédiger en remarquant que j'avais lu "sixteen" ou lieu de "sixties" dans le paratexte pour qualifier l'âge de l'héroïne. Autant dire que j'ai pas eu beaucoup de temps pour le commentaire. Quant à la traduction je me demande encore ce qu'est le "lurex".
Spé (cinéma) : le docu. Je crois que c'est la seule épreuve où j'ai éprouvé un peu de plaisir; tout d'abord parce que c'était la dernière, mais aussi parce que j'avais à l'appui de très bon cours et que je me suis dit que je n'avais rien à perdre.

En résumé, je n'ai aucune envie d'avoir mes résultats parce que je sais que tout mon entourage va être très déçu, bien que je leur ai stipulé clairement que ça n'avait pas marché. J'ai décidé de passer à autre chose. Je ne khûberai pas l'année prochaine parce que vu comment j'ai vécu le concours je pense que ce serait une mauvaise idée (et puis je serai deux fois plus stressée) et je ne veux absolument pas entrer à l'ENS. Sans entrer dans les détails, je trouve que c'est quand même assez sclérosé (sachez chers provinciaux que plus d'un quart des places sont prises par les étudiants de HIV et de Louis le Grand), donc je n'ai AUCUNE chance. Et puis je refuse l'idée selon laquelle la réussite ne passe que par la case "normalien". Peut-être que je me trompe mais on en reparlera dans quelques années.

Sur ce je serais ravie d'avoir des échos de vos concours à vous, surtout que je désormais en vacances ce qui me laisse beaucoup de temps pour faire des orgies d'internet, de films et de lectures !