vendredi 1 mai 2015

Everything will be fine, portrait d'un ratage

Présenté à la Berlinale (comme Taxi Téhéran), le film de Wim Wenders parti bredouille, à à première vue de nombreux atouts pour être un grand film : acteurs vedettes, décors sauvages (le film à été tourné à Montréal), grand réalisateur... Pourtant le nouveau Wenders ne restera pas dans les mémoires.



Réminiscence de Que la bête meure ou non, le film démarre sur une idée moyennement intéressante : un écrivain en manque d'inspiration qui s'est exilé dans un cabane au beau milieu de la neige, croit écraser un enfant dévalant sur la route en luge. Craignant le pire, il sort de la voiture, et surprise, l'enfant est planté là, l'air secoué mais bien en vie. Soulagé il l'attrape par la main et le ramène chez lui. Là, coup de théâtre que je ne vous révélerai pas mais c'est bien le seul rebondissement du film puisque le drame qu'il croit avoir évité a bien eu lieu. L'heure et demi qui va suivre sera une succession de scènes où on suivra James Franco dans sa culpabilité, ses difficultés à écrire, ses amours et la relation troublante qu'il garde avec l’événement de ce soir-là. 



Every thing will be fine est un film chiant. Le genre ennuyeux où on regarde sa montre toutes les dix minutes en se demandant quand ça va finir parce que c'est vraiment long. Sans vouloir faire de comparaisons qui n'auraient pas lieu d'être, il faut rappeler que Wim Wenders s'est imposé avec ses films précédents comme un génie de la mise en scène. Par un concours de circonstances j'ai vu Paris, Texas presque deux fois d'affilée et je dois reconnaître que le film, qui dure pourtant plus de deux heures, m'a semblé passer en dix minutes. Et là, je ne comprends pas ce qui s'est passé, j'ai cru à plusieurs reprises que j'allais sortir tellement ça s'étirait. Je ne peux pas dire que Wenders est un cinéaste vieillissant puisqu'il excelle dans la réalisation de documentaires (je pense que Pina figure à juste titre dans la liste de ce qui se fait de mieux ces temps-ci, tout comme Le Sel de la Terre que j'ai eu la chance de voir à Cannes et qui est vraiment très intéressant). Mais le retour à la fiction est complètement raté. D'abord faire jouer de bons acteurs ne suffit pas. James Franco est beau, tout le monde le sait. Mais le montrer en gros plan, plongée, contre-plongée, de dos, immobile, les yeux clos, pensif etc. ne suffit pas à faire de lui un personnage suffisamment construit. Le film présente des faiblesses scénaristiques évidentes notamment en matière de dramatisation puisque de nombreuses séquences semblent totalement insignifiantes. Les pistes sont lancées. C'est tout. Portrait psychologique? Histoire d'amour? Thriller? Je me suis à plusieurs reprises demandé à quoi voulait en venir Wenders; tant est si bien que j'ai cru à un moment donné que le film n'était rien d'autre qu'une histoire de vengeance particulièrement bien ficelée. Mais non. Déception totale, le cinéaste revient par une pirouette-cacahuète à ce thème qui lui est cher, la paternité. Si j'arrive à y croire dans Don't come knocking parce que le film repose sur autre chose que la quête du père, je suis désolée mais ici c'est complètement tiré par les cheveux. Un vague air de "tout ça pour ça?" plane sur le dénouement et j'ai franchement attendu le moment où la logique interne allait se dévoiler. En vain. L'omniprésence d'intertitre "trois ans plus tard" est étouffante, puisque les années passent mais rien n'évolue (et puis les intertitres, faut y aller doucement, c'était très à la mode dans les années 80 mais là faut avoir la main légère). Quant au filmage, puisque c'est aussi ce qui faisait de Wenders un génie de la mise en scène, c'est tout de même assez décevant. Je n'ai pas vu le film en 3D, mais étant donné qu'il a été tourné en 3D on en saisit quand même certains effets, du genre le plan d'ouverture sur le halo de lumière ou encore ce plan d'ensemble sur un arbre dans le dénouement avec profondeur de champ et tout le tintouin. Des virtuosités en somme bien inutiles, d'autant plus que le film a une atmosphère assez froide ce qui distancie encore plus le spectateur de ces personnages bancals. Même le mélo nous est refusé, c'est dire. Sans oublier les scènes d'auto-citation où Wenders fait du Paris, Texas justement (par exemple la scène où Charlotte Gainsbourg téléphone à Franco). Le problème c'est que ça en devient lourd parce que ça n'a plus rien de nouveau. 



C'est donc une déception et cela en dépit du fait qu'il s'agit du film d'un cinéaste génial, comme il nous l'a prouvé par le passé. Every thing will be fine est décevant à tous les niveaux. Le film de trop? Un coup manqué? La suite nous le dira puisque Wenders a le projet d'une nouvelle fiction avec le merveilleux Reda Kateb que j'aime tant. Dois-je avoir peur?

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