jeudi 21 mai 2015

Festival de Cannes 2015



Voilà Cannes qui suit son cours et équipée de mon joli badge, j'ai la chance de pouvoir arpenter les salles obscures. Un petit article pour récapituler ce que je vois. Je ferais peut-être des critiques plus développées sur certains films si le coeur m'en dit.

Classement, critiques et palmarès en fin de festival...

Sélection officielle 


Tale of tales - Matteo Garrone



Surprise cannoise pour ce long-métrage en compétition officielle. Un film de genre comme on les aime ou comme on les déteste. Du noir, du merveilleux, du faste, du magique;  un film qui ne passera sans doute pas inaperçu lors de sa sortie en salle. Dans l'ensemble les critiques me paraissent bien sévères pour ce film plutôt bien mené malgré des longueurs.

Umimachi Diary (Notre petite soeur) - Hirokazu Kore-Eda



Kore-Eda poursuit sa réflexion sur la famille japonaise (dans l'héritage de Yasujiro Ozu) en la démantelant toujours un peu plus. Après Tel père, tel fils (prix du jury Cannes 2013) qui posait des questions sur la paternité et la filiation, il revient ici sur une cellule familiale toujours plus en crise, puisque même les parents n'existent plus. Un film d'une tendresse inouïe, dont le propos s'étend à une réflexion sur la ville, la campagne; le Japon d'aujourd'hui , la vie, la mort, servi par des actrices aussi belles que talentueuses. Saluons également la finesse de l'écriture, avec une symétrie presque parfaite dans son scénario. Un film qui donne envie de vivre, d'aimer et d'être heureux.

Mia Madre - Nanni Moretti




Autre coup de coeur que le nouveau Moretti. Des rires, des larmes, mais surtout une mise en scène qui s'approche de la perfection. Nanni Moretti signe un film maîtrisé, bien que classique, qui fera tout de même tirer une petite larme, même aux moins sensibles d'entre nous. Décidément, je ne me lasse pas des films qui parle du cinéma. Un de mes favoris.

Carol - Todd Haynes



Belle performance d'actrice pour Rooney Mara, mais surtout Cate Blanchett dont on murmurait en sortant de la projection qu'elle avait toutes ses chances pour le prix d'interprétation féminine. Tantôt masculine, tantôt plus féminine, elle incarne un personnage brisé, dont la détresse est perceptible à l'écran. La photographie est magistrale, la mise en scène est maîtrisée et le scénario tient la route. On pourra cependant reprocher à Todd Haynes de signer un film en somme assez plat qui se traîne un peu et peine à avancer à certains moments.

La loi du marché - Stéphane Brizé



Un film social à Cannes qui n'a pas manqué de surprendre à côté de la féerie de certains films de la compétition. Sans ne jamais abaisser la caméra pour dresser un portrait misérabiliste de la France du 21e siècle, Stéphane Brizé réalise un film fort et audacieux sur ces gens qu'on ne montre pas si souvent au cinéma. Si le film est oppressant et parfois long, saluons la prestation de Vincent Lindon (longtemps ovationné à juste titre) dont le jeu, tout en retenue en fait un favori pour le prix d'interprétation masculine.

Marguerite et Julien - Valérie Donzelli



Me voilà obligée d'avouer mon faible pour Valérie Donzelli. Si le film a fait un flop parmi le public cannois, je ne peux pas m'empêcher de le réhabiliter un peu pour toute la tendresse que sa jeune réalisatrice lui a insufflée. De beaux personnages, de beaux acteurs, une belle BO, le tout formant un conte de fée pop, parfois guimauve et terriblement attachant. Alors oui, des longueurs, oui une immoralité (assumée !) et oui une multiplication des références, mais qu'importe. Marguerite et Julien est un jeu auquel nous invite Valérie Donzelli. Ne cherchons pas plus loin. Profitons du spectacle. 

Dheepan - Jacques Audiard



Dheepan bénéficie de nombreux atouts qui, réunis, auraient tout pour en faire un chef-d'oeuvre. Le scénario est bien ficelé (Thomas Bidegain et Noé Debré aux commandes), l'argument est intéressant, l'esthétique qui joue sur des jeux de lumière est magnifique (à part les plans surexposés que je trouve clairement laids) et la mise en scène et la direction d'acteur est au rendez-vous. Oui mais voilà, le film n'échappe pas à certaines maladroites, dont la fin qui dessert clairement le film de mon point, et un enlisement dans un propos qui frôle la stérilité. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'Audiard a eu le coup de génie avec Un prophète, mais qu'il peine à le retrouver.  

Chronic - Michel Franco


Film mineur de cette sélection (dont je n'arrive pas à expliquer le prix du scénario), Chronic peint avec sécheresse le quotidien d'un infirmier auprès de patients en fin de vie. Si Tim Roth tire son épingle du jeu dans ce rôle aussi dur que froid, le film qui part pourtant de bonnes idées, ne parvient pas à me convaincre. Originalité du scénario? Je ne sais pas bien. Il faut reconnaître que le traitement du sujet, très pesant, étouffant, épuisant est intéressant mais le film se clôt sur un échec, celui d'une fin aussi facile que tirée par les cheveux. En définitive, de nombreuses maladresses et une séance difficile à supporter.

Macbeth - Justin Kurzel


Que fait Macbeth en sélection officielle? Je ne m'explique pas la raison de la présence de ce film à grand spectacle, tourné façon film d'auteur. Sans mentir j'ai passé un très bon moment, d'autant plus que le film est servi par deux acteurs au sommet (Michael Fassbender et Marion Cotillard, que je trouve, pour une fois, à la hauteur de son rôle, pour ne pas dire parfaite). Filmage beau, bonnes idées de mise en scène; mais une insistance parfois insupportable sur des effets de style (ralenti, saturation de l'image) qui rendent le tout plutôt moyen dans le cadre de la sélection officielle. Enfin, il faut aussi dire que cette adaptation n'apporte rien de nouveau à ce classique shakespearien déjà porté à l'écran par des réalisateurs de génie. Un peu fade donc, quoique réjouissant.

Le fils de Saul - László Nemes


Voilà la vraie bonne surprise de la sélection officielle ! Audacieux, brillant, déroutant; le jeune László Nemes réussit à porter un regard nouveau sur la Shoah (sujet déjà très souvent porté à l'écran) tout en faisant le choix d'une forme cinématographique novatrice. Tourné en caméra à l'épaule et en plans souvent très rapprochés sur le personnage principal (le fameux Saul incarné tout en subtilité par Géza Röhrig), Le fils de Saul s'intéresse à ces juifs prisonniers réduis en esclavage par les nazis afin d'aider à l'application de leur folie extermination. Un film important pour l'histoire des hommes et du cinéma.

Youth - Paolo Sorrentino


Je suis toujours quelque peu déroutée par les films de Paolo Sorrentino. Si j'en reconnaît l'extrême beauté, je dois avouée qu'ils ont tendance à m'ennuyer. Si la première demi-heure de Youth est extraordinaire, le film se délite peu à peu jusqu'à devenir de moins en moins intéressant. Malgré le duo d'acteurs qui porte le film (Michael Caine et Harvey Keitel), le film s'enlise dans un propos redondant. Enfin, cette esthétique de l'ostentation et de l'exagération (déjà présente dans La Grande Bellezza) qui tombe souvent dans le too much, me laisse de marbre.

Louder than bombs - Joachim Trier


Réalisation réussie, mais sans génie de Joachim Trier pour Plus fort que les bombes qui se focalise sur le deuil d'une famille après la disparition de la mère, grande reporter de guerre. Touchant, drôle, émouvant, le film suit un parcours sinueux dont on se demande parfois où il va en venir. Il n'en est pas moins intéressant dans son traitement et sa mise en scène (de très belles scènes de rêves et une réflexion sur le manque et la mort tout aussi pertinente). J'ai un petit faible pour Jesse Eisenberg, toujours très délicat et attachant dont la finesse dans ce rôle confirme qu'il est un acteur à suivre. 

Un certain regard 


Nahid - Ida Panahandeh


Un premier film tout en douceur et en subtilité pour cette jeune réalisatrice iranienne. Un cinéma de femme, sur une femme, Nahid dresse un portrait nuancé de la condition féminine en Iran. Le film se distingue par une maîtrise de la mise en scène et du scénario à qui on peut tout de même reprocher le manque de virtuosité, et une orientation plutôt facile dans le dernier quart d'heure du film. La jeune femme mérite bien son "prix de l'avenir" dans la sélection cannoise Un certain regard puisque ses premiers pas dans le cinéma sont des plus encourageants. Affaire à suivre...

Je suis un soldat - Laurent Larivière


Premier film sans génie pour Laurent Larivière porté par une Louise Bourgoin au sommet dans ce drame français présenté dans la sélection cannoise Un certain regard. Une belle photographie, une bonne direction d'acteur mais un scénario parfois un peu faible qui a tendance à tomber dans la facilité (voir le romantisme guimauve à certains moments). Saluons aussi la prestation de Jean-Hughes Anglade, très inquiétant dans ce film qui manque tout de même un peu de saveur.

Hors-compétition :


La tête haute - Emmanuelle Bercot (Ouverture)



Ambitieux de réaliser à nouveau un film sur la jeunesse à problème après le Mommy de Xavier Dolan qui a tant troublé Cannes un an auparavant. Pourtant Emmanuelle Bercot tire de ce paris un film d'une indéniable finesse, à la réalisation ingénieuse et délicate, notamment grâce à une utilisation subtile de la musique. On peut tout de même regretter des longueurs ainsi que des faiblesses scénaristiques vers la fin où l'élément de résolution est tout de même trop attendu. Quand au dernier plan, il ne fait pas l'unanimité...

L'Homme irrationnel - Woody Allen


C'est à croire que Woody Allen ne se remet pas du coup de génie qu'il a eu avec Blue Jasmine (qui lui a permit l'oscarisation de la formidable Cate Blanchett). Après le mineur quoique divertissant Magic in the moonlight, Emma Stone se retrouve de nouveau derrière la caméra du plus francophile des cinéastes américains pour incarner cette jeune étudiante qui noue une relation avec son professeur de philosophie, l'incontournable Joaquin Phoenix. La réflexion banale sur le kantisme et les philosophies de la morale ne parvient pas à relever le niveau de ce film qui ne dépasse pas le bon divertissement. Plutôt décevant dans son ensemble.

Une histoire de fou - Robert Guédiguian



Robert Guédiguian arpente de nouveau les sentiers de la mémoire arménienne dans ce film tourné à l'occasion de la commémoration du génocide. Si le cinéaste a parfois tendance à se perdre dans les travers de la reconstitution historique et dans des situations parfois un peu floue, il a le mérite de livrer au spectateur une réflexion sur le génocide et la détresse d'un peuple conduit jusqu'à la folie. Car qui est Robert Guédiguian si ce n'est un philosophe dont les questionnements dépassent bien souvent le cinéma lui-même? Un film à voir pour se souvenir et pour dire au monde que l'histoire ne s'écrit pas toujours du point de vue des vainqueurs. 

The Little Prince - Mark Osborne


Quelle déception que cette pseudo-adaptation du livre pour enfant le plus traduit au monde ! En extrapolant une histoire autour du chef-d'oeuvre de Saint-Exupéry, Mark Osborne tombe dans le piège d'en oublier le livre original pour partir dans un délire personnel. C'est d'ailleurs vraiment dommage parce que les scènes où l'on voit le petit prince sont magnifiques (avec un style papier mâché vraiment mignon), mais le film ne suit pas, se perd dans des méandres qui en viennent à trahir l'oeuvre. La scène culte du renard est tronquée, de nombreux passages du livre sont supprimés et la fin est carrément une réécriture à la sauce américaine. Décidément, Hollywood devrait cesser de chercher à s'approprier les mythes.

Semaine de la critique 


Les Anarchistes - Elie Wajeman (Ouverture, hors-compétition)


Une reconstitution tout en sobriété et révolte pour ouvrir la Semaine de la critique. Le film est porté par de très belles performances d'acteurs (l'ingénu Tahar Rahim, la rebelle Adèle Exarchopoulos et le doux-amer Swann Arlaud) qui incarnent avec subtilité ces fortes têtes du début du XXe siècle. Une jeunesse qui se révolte, s'aime et se déchire, une jeunesse de tous les temps, une jeunesse de tous les lieux; c'est le pari relevé par Elie Wajeman dans ce film d'une grande finesse. On pourra toutefois lui reprocher son intrigue parfois trop simple et sa résolution un peu rapide. Mais finalement qu'importe tant que vive le cinéma, et vive l'anarchie ! 

Ni le ciel, ni la terre - Clément Cogitore


Vrai coup de coeur pour ce premier film présenté à la semaine de la critique, dont le scénario très ambitieux remplit toutes ses promesses. Le film bénéficie également de la présence d'acteurs exceptionnels dont l'excellent Jérémie Rénier et le très attachant Swann Arlaud. Réflexion métaphysique sur la foi, Dieu et les hommes, il prend pour cadre la présence française en Afghanistan. Mais qu'on ne s'y perde pas, Ni le ciel, ni la terre n'est pas un film sur la guerre. Il place des individus dans une tension grandissante et observe leurs réactions, leurs peurs, leurs joies, leurs haines, leurs amours. Et c'est très beau.

Les deux amis - Louis Garrel (hors-compétition)


Louis Garrel propose avec Les deux amis, le film le plus bobo de tout le festival de Cannes. Dans cette (très) libre adaptation sans fantaisie de La Vie de Marianne où des personnages sans saveur se côtoient dans le Paris bourgeois du XXIe siècle, le fils de la tribu Garrel use d'influences diverses et variées pour réaliser son premier long-métrage. Des influences un peu trop présentes justement puisque certaines plans sont carrément des citations de films de Christophe Honnoré dans lesquels Louis Garrel a joué, et c'est un peu lourd au bout d'un moment. Perdue dans une salle hilare à chaque pseudo-mot d'esprit, j'ai souris quelques fois tout en restant de marbre la plupart du temps. Rappelons pour terminer que Louis Garrel avait annoncé vouloir faire "Un Claude Sautet des pauvres, façons série B". Il faut croire qu'il ne côtoie pas beaucoup les pauvres en question pour les peindre de cette façon. Décidément Louis, on attendait un peu mieux de toi que ce film qui se touche le nombril pendant deux heures. 

Quinzaine des réalisateurs 


Les cowboys - Thomas Bidegain


Premier film de Thomas Bidegain, co-scénariste de Jacques Audiard récemment palmé, Les cowboys dresse le portrait tout en nuances d'une famille déchirée par la fugue de leur fille aînée. Si la réalisation est parfois maladroite et le rythme pas toujours bien maîtrisé, reconnaissons que Thomas Bidegain part d'une idée originale, tout en jouant sur les effets de surprise d'un scénario ambitieux qui ne manque pas d'étonner le spectateur à plusieurs moments. Si le film n'a en apparence rien d'un western, il appartient plutôt à une forme presque hybride de cinéma où s'entremêlent différentes influences et tonalités pour créer un tout esthétiquement très beau et très bien pensé. Je ne m'avancerai pas jusqu'à dire qu'il invente une nouvelle forme, mais il en est quand même pas très loin. Le film se traîne un peu sur la fin et peine à exploiter certains personnages. En revanche, mention spéciale pour François Damiens qui prouve une fois de plus que les rôles dramatiques lui vont comme un gant et pour Finnegan Oldfield, qui en plus d'avoir un nom absolument génial, se révèle être un jeune homme tout à fait prometteur dont il faudra suivre la carrière cinématographique.


Trois souvenirs de ma jeunesse - Arnaud Despleschins



Mes premiers pas dans l'univers de Paul Dédalus ! Belle découverte pour ce réalisateur, dont je l'avoue un peu avec honte) je n'avais vu aucun film jusque là, comme quoi Cannes mène à tout. Donc c'est une très bonne surprise que ce film délicat et tendre où Despleschins décrit la jeunesse de son héros sous la forme de trois histoires indépendantes, selon trois genres et trois esthétiques bien différentes. Le film est porté par deux jeunes acteurs talentueux et très attachants (dont c'est le premier rôle au cinéma, il faut le préciser) et qui crèvent l'écran. Du charme, de la poésie, de la tendresse qui donnent très envie de retrouver Paul Dédalus dans d'autres films !  

Cannes classics 


La dame de Shangaï - Orson Welles (1946)



Très belle version restaurée de ce film mythique présent dans le cadre du cycle Orson Welles organisé par Cannes Classics. Que dire si ce n'est que Welles est un génie de la mise en scène ! 

Conte des chrysanthèmes tardifs - Kenji Mizoguchi (1939)



Film très rare de Mizoguchi numérisé en 2015 (numérisation et restauration pas exceptionnelles d'ailleurs), Conte des chrysanthèmes tardifs est une merveille de mise en scène. La composition des plans est extraordinaire (chaque plan atteint une véritable perfection). Si les spectateurs occidentaux pourront lui reprocher d'éventuelles longueurs, le film réussit à éviter le mélodrame tire-larmes pour devenir un drame purement mizoguchien qui n'est pas sans rappeler les chef-d'oeuvres des années 50.

Visita - Manoel de Oliveira (1982)



Film que je ne commenterai pas et que je ne critiquerai pas en raison de son caractère trop personnel. Testament posthume qui ne devait être présenté au grand public qu'après sa mort, Visita met en scène la visite d'un couple dans la maison de leurs amis absents; ces séquences étant entrecoupées par des scènes avec Manoel de Oliveira lui-même philosophant sur son existence. N'ayant jusqu'à présent vu aucun de ses films, je ne suis pas en mesure de parler de celui-ci, ni-même de l'apprécier.



vendredi 1 mai 2015

Everything will be fine, portrait d'un ratage

Présenté à la Berlinale (comme Taxi Téhéran), le film de Wim Wenders parti bredouille, à à première vue de nombreux atouts pour être un grand film : acteurs vedettes, décors sauvages (le film à été tourné à Montréal), grand réalisateur... Pourtant le nouveau Wenders ne restera pas dans les mémoires.



Réminiscence de Que la bête meure ou non, le film démarre sur une idée moyennement intéressante : un écrivain en manque d'inspiration qui s'est exilé dans un cabane au beau milieu de la neige, croit écraser un enfant dévalant sur la route en luge. Craignant le pire, il sort de la voiture, et surprise, l'enfant est planté là, l'air secoué mais bien en vie. Soulagé il l'attrape par la main et le ramène chez lui. Là, coup de théâtre que je ne vous révélerai pas mais c'est bien le seul rebondissement du film puisque le drame qu'il croit avoir évité a bien eu lieu. L'heure et demi qui va suivre sera une succession de scènes où on suivra James Franco dans sa culpabilité, ses difficultés à écrire, ses amours et la relation troublante qu'il garde avec l’événement de ce soir-là. 



Every thing will be fine est un film chiant. Le genre ennuyeux où on regarde sa montre toutes les dix minutes en se demandant quand ça va finir parce que c'est vraiment long. Sans vouloir faire de comparaisons qui n'auraient pas lieu d'être, il faut rappeler que Wim Wenders s'est imposé avec ses films précédents comme un génie de la mise en scène. Par un concours de circonstances j'ai vu Paris, Texas presque deux fois d'affilée et je dois reconnaître que le film, qui dure pourtant plus de deux heures, m'a semblé passer en dix minutes. Et là, je ne comprends pas ce qui s'est passé, j'ai cru à plusieurs reprises que j'allais sortir tellement ça s'étirait. Je ne peux pas dire que Wenders est un cinéaste vieillissant puisqu'il excelle dans la réalisation de documentaires (je pense que Pina figure à juste titre dans la liste de ce qui se fait de mieux ces temps-ci, tout comme Le Sel de la Terre que j'ai eu la chance de voir à Cannes et qui est vraiment très intéressant). Mais le retour à la fiction est complètement raté. D'abord faire jouer de bons acteurs ne suffit pas. James Franco est beau, tout le monde le sait. Mais le montrer en gros plan, plongée, contre-plongée, de dos, immobile, les yeux clos, pensif etc. ne suffit pas à faire de lui un personnage suffisamment construit. Le film présente des faiblesses scénaristiques évidentes notamment en matière de dramatisation puisque de nombreuses séquences semblent totalement insignifiantes. Les pistes sont lancées. C'est tout. Portrait psychologique? Histoire d'amour? Thriller? Je me suis à plusieurs reprises demandé à quoi voulait en venir Wenders; tant est si bien que j'ai cru à un moment donné que le film n'était rien d'autre qu'une histoire de vengeance particulièrement bien ficelée. Mais non. Déception totale, le cinéaste revient par une pirouette-cacahuète à ce thème qui lui est cher, la paternité. Si j'arrive à y croire dans Don't come knocking parce que le film repose sur autre chose que la quête du père, je suis désolée mais ici c'est complètement tiré par les cheveux. Un vague air de "tout ça pour ça?" plane sur le dénouement et j'ai franchement attendu le moment où la logique interne allait se dévoiler. En vain. L'omniprésence d'intertitre "trois ans plus tard" est étouffante, puisque les années passent mais rien n'évolue (et puis les intertitres, faut y aller doucement, c'était très à la mode dans les années 80 mais là faut avoir la main légère). Quant au filmage, puisque c'est aussi ce qui faisait de Wenders un génie de la mise en scène, c'est tout de même assez décevant. Je n'ai pas vu le film en 3D, mais étant donné qu'il a été tourné en 3D on en saisit quand même certains effets, du genre le plan d'ouverture sur le halo de lumière ou encore ce plan d'ensemble sur un arbre dans le dénouement avec profondeur de champ et tout le tintouin. Des virtuosités en somme bien inutiles, d'autant plus que le film a une atmosphère assez froide ce qui distancie encore plus le spectateur de ces personnages bancals. Même le mélo nous est refusé, c'est dire. Sans oublier les scènes d'auto-citation où Wenders fait du Paris, Texas justement (par exemple la scène où Charlotte Gainsbourg téléphone à Franco). Le problème c'est que ça en devient lourd parce que ça n'a plus rien de nouveau. 



C'est donc une déception et cela en dépit du fait qu'il s'agit du film d'un cinéaste génial, comme il nous l'a prouvé par le passé. Every thing will be fine est décevant à tous les niveaux. Le film de trop? Un coup manqué? La suite nous le dira puisque Wenders a le projet d'une nouvelle fiction avec le merveilleux Reda Kateb que j'aime tant. Dois-je avoir peur?