J'ai presque envie de dire qu'il ne faut rien lire, ni voir sur le film avant de l'avoir vu.
Je ne sais pas si on est tout de suite autorisé à dire qu'un film est un chef-d'oeuvre. Il faut souvent laisser le temps nous dire si la postérité l'accepte dans son panthéon avant de s'enflammer pour une brindille. Je m'enflamme rarement ces temps-ci dans les salles obscures. Je suis souvent déçue quand on promet beaucoup de choses sur le papier et que finalement je vois un scénario vu et revu, et des images sur faites. Alors forcément à la moindre étincelle, c'est souvent l'explosion de joie. Le temps a travaillé depuis un mois pour savoir ce que je retenais du dernier film d'Alexander Kott.
Je ne sais pas si on est tout de suite autorisé à dire qu'un film est un chef-d'oeuvre. Il faut souvent laisser le temps nous dire si la postérité l'accepte dans son panthéon avant de s'enflammer pour une brindille. Je m'enflamme rarement ces temps-ci dans les salles obscures. Je suis souvent déçue quand on promet beaucoup de choses sur le papier et que finalement je vois un scénario vu et revu, et des images sur faites. Alors forcément à la moindre étincelle, c'est souvent l'explosion de joie. Le temps a travaillé depuis un mois pour savoir ce que je retenais du dernier film d'Alexander Kott.
Il faut commencer par remarque qu'il y a peu de films de l'est qui nous parviennent. Je me rappelle du très bon Léviathan qui avait fait un carton au festival de Cannes de l'an passé. Avant, c'est un peu le néant. Bien sûr il faut citer Tarkovski, les cinéastes soviétiques ou même encore les polonais comme Kieslowski qui ont une sensibilité si particulière; j'ai presque envie de dire une sensibilité slave. Les films de l'est nous apprennent bien souvent à écouter; à écouter et à respirer. Souvent construit sur des systèmes de pensée différent de nos schémas occidentaux, j'ai toujours l'impression que le cinéma slave nous propose d'être un autre cerveau pendant quelques heures, histoire de s'oublier un peu pour se "mettre à la place". Je ne sais pas si on peut véritablement penser comme un autre. Il est certain qu'il y aura toujours une barrière culturelle entre nous et cet autre système (quoique l'occidentalisation effrayante de la société tend à effacer cette frontière). Mais tout de même, c'est un peu comme voyager dans un autre cerveau le temps d'un film.
Je n'ai jamais autant pu apprécier le temps qu'en regardant Le Souffle. D'ailleurs Le Souffle porte bien son nom, il y a des traces de l'animus des latins dans ce film d'1h30, romance sans parole au beau milieu du paysage kazakhe. Certes, les personnages de Kott ne parlent pas, mais ils en disent déjà beaucoup par leur regard, et par leurs silences. Filmé au plus près, le visage anxieux de la belle Elena Ann est particulièrement révélateur de l'incertitude de ce monde en train de disparaître. J'ai tendance, comme tout le monde, à associer l'âme russe à ce tableau de Malévitch où l'on voit la cavalerie rouge se détacher au loin. Ce qui m'a toujours frappée dans ce tableau c'est la taille des chevaux par rapport à l'horizon. De tous petits chevaux minuscules littéralement écrasés entre la terre et le ciel. Le Souffle a quelque chose de Malévitch dans la façon dont il remet l'homme à sa place : quatre vies humaines dans cette immensité désertique. Mais la nature est loin d'être hostile, bien au contraire; le mal vient de la ville et de l'homme civilisé qui apportent avec eux le chaos et la destruction.
Il y aurait beaucoup à dire de ces quatre personnages mis en scène par Kott : le père de famille rustre, la jeune ingénue, le garçon de la campagne et l'étranger. Et encore que non, ce découpage me paraît beaucoup trop occidental. Ces quatre anti-héros nous apparaissent comme des ombres vacillantes et incertaines. Je me suis d'ailleurs longtemps demandé si ce jeune homme qui marche sur les mains existe ailleurs que dans l'imaginaire de la jeune fille. Je me le demande encore, quoique ça n'ait pas beaucoup d'importance. Le cœur du film est dans les clefs disséminées par le réalisateur pour nous conduire à la catastrophe finale. Des événements imprévus, la nature qui meurt à petit feu et l'innocence de la jeunesse qui suit son cours. Après avoir respiré à pleins poumons pendant 1h20, voilà que sans nous y attendre nous nous retrouvons le souffle court, une étrange boule au creux de la gorge. Car ce drame qui se joue sous nos yeux est beaucoup plus complexe que ce qui apparaissait au départ. Beaucoup plus ignoble aussi. Et beaucoup trop vrai.
L'histoire nous dira si le film de Kott est un chef-d'oeuvre. Je le place pour ma part en bonne position dans mon panthéon personnel, aux côtés des plus grands, en remerciement de cette extraordinaire expérience de cinéma.
Il y aurait beaucoup à dire de ces quatre personnages mis en scène par Kott : le père de famille rustre, la jeune ingénue, le garçon de la campagne et l'étranger. Et encore que non, ce découpage me paraît beaucoup trop occidental. Ces quatre anti-héros nous apparaissent comme des ombres vacillantes et incertaines. Je me suis d'ailleurs longtemps demandé si ce jeune homme qui marche sur les mains existe ailleurs que dans l'imaginaire de la jeune fille. Je me le demande encore, quoique ça n'ait pas beaucoup d'importance. Le cœur du film est dans les clefs disséminées par le réalisateur pour nous conduire à la catastrophe finale. Des événements imprévus, la nature qui meurt à petit feu et l'innocence de la jeunesse qui suit son cours. Après avoir respiré à pleins poumons pendant 1h20, voilà que sans nous y attendre nous nous retrouvons le souffle court, une étrange boule au creux de la gorge. Car ce drame qui se joue sous nos yeux est beaucoup plus complexe que ce qui apparaissait au départ. Beaucoup plus ignoble aussi. Et beaucoup trop vrai.
L'histoire nous dira si le film de Kott est un chef-d'oeuvre. Je le place pour ma part en bonne position dans mon panthéon personnel, aux côtés des plus grands, en remerciement de cette extraordinaire expérience de cinéma.
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